Les nuits de laitue

Vanessa Barbara, éditions Zulma, 2015, mai 2017 pour l’édition poche, 185 pages, 8,95€

Oh le joli petit  livre ! Et surprenant. Qui nous emmène sur des chemins que l’on ne soupçonnait pas. Qui nous fait voyager dans des contrées mélancoliques et de voisinage avant d’en aborder d’autres, que l’on n’ose qualifier ici de peur de faire perdre tout effet de surprise au lecteur. Surtout, que celui-ci fasse comme moi : qu’il se laisse attirer par une couverture chatoyante et colorée (bénies soient les éditions Zulma d’oser ainsi la couleur et les effets graphiques !), par un bandeau annonçant le « prix du premier roman étranger », obtenu en 2015. Se laisser attirer et naviguer, et accompagner dans le monde de l’auteur.Il était une fois Ada et Otto. Ada meurt (on ne spolie rien, c’est la première phrase du livre), et Otto désespère. Il se remémore les belles années avec Ada, leur quotidien fait de petits riens, d’évidences, de discussions sans fin à propos de petites et de grandes choses. On fait des allers et retours entre les jours sans saveur que passe Otto sans son épouse, d’une tristesse absolue, vacuité de l’absence, et les souvenirs dorés de sa vie avec elle. Le merveilleux du quotidien à deux allait du petit déjeuner parfait aux cinq gelées se dégustant dans un ordre immuable, aux discussions sur des sujets divers, qui habillaient le temps.

Un exemple parmi d’autres de la description de l’état d’Otto, juste après un passage qui livre l’explication du titre (et vraiment, on ne dira rien ici, laissons au lecteur le plaisir de le découvrir). Otto insomniaque, qui a toute sa vie dormi à côté d’une Ada s’endormant au bout de quelques secondes seulement ; Otto qui désormais seul « souffrait d’une insomnie sans fin. Ses mauvaises pensées dureraient pour toujours puisqu’il n’y aurait plus jamais de matin – désormais toutes ses nuits avaient un arrière-goût de laitue. Et Otto détestait les légumes-feuilles » (p. 68). Le livre est à l’aune de cette phrase, à la fois drôle et douce-amère, et légèrement teintée d’ironie.

Autour d’Otto et Ada, une galerie de personnages farfelus gravitent, d’Annibal le facteur (qui ne sait distribuer les lettres aux bonnes personnes), à Nico (le préparateur en pharmacie fan absolu des médicaments, particulièrement de leurs effets indésirables non encore découverts), ou encore Iolanda, Teresa et Mariana, tous plus loufoques les uns que les autres.

On se laisse bercer par une narration faite de tendresse et de loufoquerie jusqu’à… Et là je ne peux rien dire. Il faut lire et découvrir, le roman bascule et on a envie de tout relire. Différemment.

Décidément les éditions Zulma ont une patte à part, étrangement puisque les publications sont d’une diversité folle, le nombre d’auteurs et de pays représentés impressionnant. Et pourtant on reconnaît à chaque fois un style particulier.

Alors ce livre il est pour qui ? Il est pour ceux qui aiment se laisser mener sur des chemins de traverse, ceux qui n’ont pas de certitudes et aiment se laisser surprendre, ceux qui aiment la tendresse et l’ironie.

Marie-Eve

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