Duchess

Chris Whitaker, traduit de l’anglais par Julie Sibony, Sonatine, mai 2022, 520 p., 23€

Il y a des livres que l’on apprécie pour le ton, le style. D’autres parce qu’ils nous apprennent quelque chose. D’autres encore parce que l’histoire nous est familière, que l’on aime à s’y retrouver. D’autres qui nous font rire. Et puis il y a ceux que l’on prend un jour comme ça, sur une pile très haute, ou au contraire un peu au milieu, parce que la couverture, parce que l’on se souvient en avoir entendu dire du bien, on pour une autre raison, on ne sait pas très bien. On ouvre, on lit deux trois pages le soir histoire de se dire qu’on commence un nouveau livre avant de se coucher. Et puis on est embarqué, l’heure passe, les pages se déroulent, les journées s’enchaînent avec la perspective heureuse de le retrouver. Ici pas de grande phrase, la construction est classique, pas de prouesse stylistique. Mais tous les ingrédients d’un récit romanesque : des personnages attachants et tout en nuances, des obstacles, des rebondissements, des mystères qui se lèvent et se dévoilent. Vous êtes prêts ? Alors écoutez…

Il était une fois, dans la petite ville californienne de Cape Haven deux enfants, Duchess, 13 ans, Robin 5 ans, et leur mère Star, alcoolique et abandonnante. Deux enfants à la dérive mais protégés par Walk, flic d’une honnêteté extrême, en proie à une maladie débutante, et meilleur ami de leur mère. Le livre démarre alors que Vincent King, meurtrier de la jeune Sissy (sœur de Star) trente ans auparavant, s’apprête à sortir de prison. Au fil des pages, l’histoire de ce meurtre et de ses suites se révèlera, de nouveaux drames naîtront, et quelques derniers creux ne seront comblés qu’à la fin du roman.

Deus récits s’entrecroisent, qui permettent à l’action de progresser : on suit Walk, préoccupé par sa maladie, le sort des enfants, la déchéance de leur mère, et l’apathie de Vincent, dont il est resté le dernier ami. Et la jeune Duchess, cuirassée dans sa tristesse et sa révolte, qui se définit comme une hors-la-loi et comme telle seulement motivée par la protection de son frère, pour lequel elle est prête à tout. Autour d’eux, des personnages secondaires habités et incarnés. Et les paysages, qui, de ville en campagne, de bord de mer californien en Montana profond, ancrent le récit au cœur des Etats-Unis. Tout est posé pour que les péripéties, drames parfois, s’enchaînent, faisant évoluer les personnages vers leurs destinées. Il y a des méchants et des gentils, mais de la nuance aussi, beaucoup. Des obstacles qui se dressent, certains surmontés, pas d’autres. Une enquête à mener. Des retrouvailles, des départs, des abandons, des amitiés, de l’amour, une très belle relation fraternelle, des morts aussi. Une tragédie moderne et américaine.

Alors oui peut-être, le récit nous tire parfois les larmes habilement et on voit quelques-uns de ses ressorts. Mais ne ce n’est jamais mièvre, jamais totalement évident, toujours rythmé et haletant, et le suspense est total jusque dans les dernières pages. Ne boudons pas notre plaisir : on tient ici un grand roman, qui se lit d’une traite, romanesque au plus haut point, un régal de bout en bout. 

Alors si, pour glisser tranquillement jusqu’aux vacances, vous cherchez un livre qui vous tiendra en haleine et vous évadera n’hésitez plus : embarquez-vous aux côtés de Duchess !

Marie-Eve

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