Tout est possible

Elisabeth Strout, Fayard 2017, Livre de poche août 2021, 282 p., 7,70€

Ce roman choral aborde avec beaucoup de délicatesse et de subtilité des sujets difficiles, la vieillesse, la séparation, la pauvreté – d’autres plus gais comme l’amour (filial essentiellement), qui se cristallisent tous autour du temps qui passe.

Comme dans une ronde, Elisabeth Strout donne la parole, à tour de rôle, à quelques habitants ou anciens habitants d’Amgash (petite ville d’Illinois), dont le point commun est d’avoir tous, à un moment ou un autre, côtoyé Lucy Barton, aujourd’hui auteure à succès. Ils sont plus ou moins âgés, le temps a fait son œuvre. Chaque personnage révèle ses failles, celles qui trouent, qui assèchent, celles aussi qui laissent passer la lumière. Ils pardonnent, ils se pardonnent, ou en tous cas ils essayent. La vie passe comme un baume sur des plaies qui ne cicatriseront peut-être jamais vraiment mais qu’ils apprennent à supporter. Le rapport aux autres s’adoucit.

Relation mère-fille, frère et sœurs, de voisinage, quelles qu’elles soient Elisabeth Strout sait trouver les mots justes pour décrire avec finesse ces émotions qui peuvent submerger quand le temps passe. Tous ces personnages flirtent sur la crête entre nostalgie et regrets, mais sans jamais tomber, en regardant le passé avec beaucoup de douceur et d’empathie. La plus jolie scène à mon avis se situe au centre du roman, et elle met en scène Lucy et ses frère et sœur. Là, tout n’est que subtilité et émotion… Et la scène éclaire les précédentes et les suivantes.

Enfin, ce qui ne gâche rien, Elisabeth Strout trouve toujours pour cela des mots justes, « montrant sans jamais dire », art subtil de la narration. Chaque phrase est pesée, chaque terme choisi avec minutie, les descriptions des émotions d’une belle finesse. « Il sentit un minuscule frémissement le parcourir, comme si son âme avait une rage de dents » (p. 181), ou encore « Ce qui intriguait le plus Abel dans la vie, c’était à quel point on oubliait les choses tout en continuant de vivre avec – comme des membres fantômes, songeait-il » (p. 273).

Alors ce livre il est pour qui ? Pour ceux qui aiment penser au temps ! Ceux qui le redoutent y trouveront de la consolation, ceux qui aiment le contempler une raison supplémentaire de le faire. Il est pour ceux enfin qui aiment la délicatesse d’une écriture où les non-dits comptent bien plus que les mots martelés.

Marie-Ève

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