La plus secrète mémoire des hommes

Mohamed Mbougar Sarr, éditions Philippe Rey/Jimsaan, août 2021, 448 pages, 22€

Roman choral, romans dans le roman, roman initiatique, roman sur un roman, roman sur l’écriture, roman sur le Sénégal, roman d’amour, roman mystique, roman d’amours, roman sur la filiation, roman sur la transmission, roman sur le mystère, roman sur la vie… : « La plus secrète mémoire des hommes » est un roman labyrinthique et fleuve dans lequel il faut plonger tête la première et duquel on ressort ébloui.

Diégane Faye est Sénégalais, et il vit à Paris où il poursuit ses études de lettres. Il écrit aussi, un premier livre remarqué qui lui a fait intégrer le petit milieu des écrivains africains et parisiens. Sa vie se passe sans encombres, jusqu’au jour où il fait la connaissance d’une autrice sénégalaise qui lui met entre les mains un exemplaire du « Labyrinthe de l’inhumain », roman qui se révèle être le livre mythique de T.C. Elimane, un auteur sénégalais mystérieusement disparu. C’est le début de la quête pour Diégane, qui se lance à la recherche d’Elimane, quête qui le conduira à Bruxelles, en Argentine, au Sénégal, nous faisant voyager dans le temps au passage.

Premier point, le roman est remarquablement écrit. Il sinue le long des pages avec des phrases qui s’adaptent à celui qui prend la parole, des phrases ponctuées de jolis mots inusités, des phrases qui ont « le rythme dans la plume », pour reprendre une expression de Mohamed Mbougar Sarr. Et puis il y a cette construction enchevêtrée, faite de récits dans le récits, de locuteurs qui se rapportent les propos des uns et des autres, sans jamais nous perdre pourtant. On circule dans les phrases, dans les livres, les parties et les biographèmes avec joie, en avançant avec enthousiasme, en repartant en arrière parfois pour savourer un rythme, relire une expression, retrouver un écho déjà aperçu.

Et puis il y a l’histoire bien sûr, la recherche de ce romancier perdu par ce jeune romancier en devenir, comme une quête de soi-même, un écho du passé et du futur. Et au passage, le long des pages, les thèmes abordés sont éternels : l’écriture, la littérature, la recherche de soi, l’accomplissement de son destin, la politique, l’amour. Et s’ils ne sont pas neufs, c’est peu dire que l’auteur les renouvelle en y mettant sa verve, sa culture, sa passion. En partant à la recherche de l’auteur qui a écrit le livre parfait, le narrateur (lui-même auteur) se révèle, et l’auteur qui met en scène l’auteur en fait de même. Une parfaite mise en abîme !

Pour résumer : un délice de lecture qu’on mettra entre les mains de tous les amoureux de la littérature, les amoureux des livres, les amoureux de l’Afrique, les amoureux de l’écriture, les amoureux de l’amour… Beaucoup de monde en réalité ! Gros coup de cœur pour ce livre.

Marie-Eve

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