noir volcan

Cécile Coulon, Le Castor Astral, février 2020, 150 pages, 15 €

Dire que j’attendais ce livre est au-dessous de la réalité. Je l’espérais et je comptais les jours. J’avais adoré « Les Ronces », adoré aussi « Une bête au Paradis » (on peut lire un petit billet dessus ici), et me réjouissais depuis quelques semaines déjà à l’idée de retrouver la langue âpre et douce en même temps de Cécile Coulon. C’est peu dire que je n’ai pas été déçue. Comment trouver les bons mots pour vous donner envie d’ouvrir ce livre, d’y plonger les yeux fermés, en confiance ? Comment vous dire à quel point l’auteure sait trouver les raccourcis, les fulgurances, les images, qui émeuvent et percutent ? Peut-être en essayant de tourner autour du livre, de l’effleurer seulement, s’en approcher et ne surtout pas l’éventer. Essayons.

D’abord il y a la couverture. Une main blanche et fine, que prolonge un avant-bras un peu flou, aux doigts comme enracinés dans un noir reflet d’eau mouvante. Comme un ancrage dans une terre aimée, une terre qu’on ne veut pas lâcher, à laquelle on cherche à s’accrocher. Une terre d’une noirceur absolue, comme l’est le monde peut-être ?

Finesse et rugosité, c’est ça, la langue de Cécile Coulon. Espoir et désespérance, ce sont ça ses univers. Car on sent, au travers des poèmes qui décrivent un quotidien qui est devenu différent, l’accélération du temps et une errance nouvelle, une certaine nostalgie. Nostalgie de la femme aimée qui est partie, de ce qui n’est plus, des espoirs déçus (il faut lire et relire, et puis lire encore « Pardon », p. 54, à l’anaphore lancinante, « Je te demande pardon pour toutes les jolies choses que nous avons vécues ensemble », poème qui se termine par les mots sublimes :

« j’aimerais te murmurer que,

même si tout cela nous abîme,

nous ressemblerons bientôt à des statues au nez brisé

que les spectateurs admirent pour leurs imperfections »)

Et oui, cela est triste. Et oui, j’ai pleuré en lisant ces textes, plusieurs fois même, parce que cela ramène inévitablement à des situations vécues, des failles, des ruptures, des désespoirs. Car non, la poésie ce n’est pas seulement l’extase et la sublimation du réel. C’est aussi un moyen d’expurger, d’exorciser, de catharsiser. Et non, il ne faut surtout pas s’arrêter en cours de route. Parce que les mots de Cécile Coulon, sont faits à la fois de simplicité, et de juxtapositions sublimes. Ils décrivent le quotidien d’une poétesse et auteure d’aujourd’hui : la naissance d’un poème, l’urgence d’écrire (« Ecrire un poème, c’est découper en soi un morceau de silence trempé de honte et d’inquiétude », p. 113), l’amour, la séparation, le plaisir d’une bière avec des amis, l’amour de sa ville, Clermont-Ferrand, la peur de se perdre, l’agacement devant les conseilleurs multiples (j’aimerais citer les vers de multiples pages pour illustrer mes propos mais… cela va faire trop long !).

Elle dit beaucoup d’elle, Cécile Coulon. Paradoxe de la poétesse qui, toute en impudeur, pose les mots suivants, dans les trois vers que forment un poème  :

« Je me cache derrière mes poèmes

parce qu’ils sont plus forts

que moi ».

J’aime ces retours à la ligne, ces contradictions, cette impudeur qui s’expose en se cachant.

J’aime ces mots frémissants qui, âpres, surgissent derrière des titres aux verbes très présents (comme l’auteure le faisait également avec brio dans  « Une bête au Paradis », où chaque chapitre avait pour intulé un verbe, donnant un rythme vif au texte).

J’aime l’espoir qui se cache derrière cette tristesse apparente (et le contraire, aussi, d’une tristesse diffuse là où l’espoir semble être décrit).

J’aime les chocs provoqués par ces phrases à la ligne pure, où les capitales sont pesées, où la bas de casse est affirmée (à commencer par celles du titre du recueil même).

J’aime ce livre, il faut le lire !!!

Alors ce livre il est pour qui ? Pour les amoureux de la poésie, de la poésie du quotidien, de celle qui surgit partout, là où on s’y attend le moins, des mots posés sur des lignes éphémères et brillantes à la fois.

Marie-Eve

 

10 commentaires sur “noir volcan

  1. Merci pour ce bel article. Ça fait plaisir à lire. Car moi aussi, je l’attendais avec impatience ce 2e recueil de poésie de Cécile Coulon. Je suis complètement addicte à sa poésie. Alors bien sûr dès le jour de la sortie de « Noir volcan », je l’ai acheté. Je ne suis pas déçue.
    Belle et douce nuit, à bientôt.

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  2. Je ne suis pas adepte de poésie mais lors d’une rencontre avec Cécile Coulon elle a lu quelques uns de ses poèmes et j’ai été conquise. j’ai aimé « sa » poésie, sa façon de parler du quotidien, d’elle mais finalement de nous. J’ai tenté plusieurs fois d’acheter Les ronces mais absent à la librairie mais je n’ai pas dit mon dernier mot. 🙂

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      1. oui oui je sais que je commencerai par Les Ronces que j’ai d’ailleurs recommandé à beaucoup de monde suite à ma rencontre avec l’auteure….. Vous allez vous régaler. Elle est formidable. J’aime également beaucoup ses romans surtout Trois saisons d’orage, mon préféré 🙂

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